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Avant toute chose, quelques nouvelles.

Ce semestre de folie est enfin achevé. Je pensais que faire mes cours en ligne serait intéressant. Ce le fut… Ce fut aussi trois ou quatre fois plus de travail que des cours normaux. Pour le prochain semestre, je vais m’assurer de bien tout planifier pour avoir des quantités raisonnables de travail. Là, entrant dans l’inconnu que fut déplacer huit classes totalement en ligne en quelques semaines, mon erreur fut d’essayer de transposer mon cours de « présentations » plus ou moins tel quel, avec des vidéos au lieu de présentations en classe. Cela aurait été une bonne idée, si je n’avais eu que 20 étudiants et pas une centaine.
Par contre, du coup, j’ai appris plein de trucs sur comment faire de meilleures vidéos et je compte bien en appliquer quelques uns ici-même. 😉

Mon autre cours, celui de première année, c’était le contraire. J’ai réussi à l’automatiser presque entièrement (c’est l’avantage des tests standardisés à choix multiples, c’est bien le seul), au point que malheureusement je n’ai pas l’impression de connaître mes étudiants à part un ou deux.

 

Maintenant, je suis en vacances pour un mois entier. À l’origine, ce mois d’août aurait dû se dérouler en France, mais vu la situation actuelle, il se passera surtout à la maison. À me reposer (j’en ai besoin), mais aussi bien entendu à rattraper le retard pris par ce blog ces derniers mois. J’ai aussi d’autres projets comme lire (je ne lis plus assez), bosser mon japonais (ce serait bien qu’un jour je sache le parler correctement), enseigner la lecture du français à mes enfants, et quelques autres choses encore… J’ai peur d’avoir encore trop de projets pour pas assez de temps. Oui, bon, c’est un peu l’histoire de ma vie…

Mais assez d’épanchements, revenons à la chose qui me fait vous écrire aujourd’hui :

Quand on ne peut pas aller sur Ogijima
Ogijima peut venir à nous… Ou du moins une partie…

Il y a quelques jours, j’ai reçu, non pas un, mais deux colis en provenance d’Ogijima !

Ils proviennent de deux des magasins en ligne existant sur l’île.

Le matin, ce furent des tisanes (et quelques cadeaux végétaux) de Zo to Taiyo / Elephant Sun, le café / salon de thé / salon de beauté / ferme naturelle et plus, tenu par la famille Yamaguchi. Ils font pousser, fabriquent et vendent toutes sortes de produits naturels, la plupart mangeables et buvables, mais pas seulement (puisque c’est aussi un salon de beauté).

Si vous voulez en savoir plus sur leurs activités, je vous conseille de suivre les liens suivants. Je ne sais pas s’ils livrent à l’étranger, mais ça ne me semble pas irréaliste :

 

Dans l’après-midi, je me suis rendu au port de Takamatsu car Meon venait m’apporter le deuxième colis de la journée (il est aussi possible de se faire livrer par la poste). Il s’agissait essentiellement de pain, y compris le célèbre Pain de Campagne (en français dans le texte) de chez Damonte & Co, multi-classé boulanger, charcutier, cafetier, fermier et bien plus encore (très peu de gens sur Ogijima n’ont qu’un seul métier). Vous allez penser que j’exagère, en fait pas du tout : ce pain de campagne est aussi bon que ceux que l’on peut trouver en France. Il est même meilleur que certains ! Il est bien entendu entièrement fait sur Ogijima, depuis le blé qui y pousse jusqu’à la mise en sac.

Avec lui, un petit pain au noix, un autre aux figues, du granola de l’île et quelques concombres en cadeau.

Et à chaque fois, c’est la même chose. Je veux faire durer le pain aussi longtemps que possible, mais je l’engloutis en deux repas (je ne suis pas tout seul, hein, avec ma famille… bon OK, j’en mange certainement plus de la moitié).

Si vous voulez en savoir plus sur Damonte & Co voici les liens qui vont bien (vous comprendrez qu’ils ne livrent pas à l’étranger, mais ils livrent dans tout le Japon par contre) :

 

Et donc, un grand merci aux Damonte et aux Yamaguchi pour de si formidables produits et l’amour qu’ils y ont apporté et que l’on retrouve dans chaque bouchée ou gorgée.

 

Ne partez pas, cet article ne s’arrête pas là. J’ai encore deux ou trois choses à vous dire.

Comme vous le savez très certainement si ce n’est pas votre première visite sur ce site, j’aime Ogijima pour de nombreuses raisons. Toutefois, ces deux magasins et ces deux familles représentent parfaitement ce que j’aime le plus à propos de cette île.

 

Bien entendu, l’île et son village sont de toute beauté et l’ont toujours été. Bien entendu l’Art et la Triennale de Setouchi ont rendu le lieu encore plus magique depuis 2010. Mais la chose importante ici, c’est l’idée de revitalisation.

Comme vous le savez très certainement, la plupart des petites îles du Japon sont en train de mourir. Elles font parties des zones du pays où le taux de dépopulation est le plus élevé. Partout dans le pays, diverses personnes et gouvernements locaux ont diverses approches et idées pour revitaliser les zones rurales et insulaires. Parfois, ils n’en ont aucune et ne semblent pas s’en préoccuper.

Par chance, nos gouvernements locaux prennent la chose très à cœur et sont ouverts à plusieurs méthodes. Bien souvent, tout miser sur le tourisme est la réponse ici ou là. Certains croient qu’il s’agit d’une sorte de panacée. Et même si le tourisme est une partie de la solution, il ne peut être la seule solution.

Tout d’abord, le tourisme c’est bien, ça emmène des gens, ça emmène de l’argent. Mais quand il devient trop massif, il devient plus destructeur et contre-productif qu’autre chose. Ses effets positifs sont contre-balancés par des effets négatifs bien plus importants. Les résidents de Kyoto en savent quelque chose, je pense.

Et puis baser une économie entière sur le tourisme c’est mettre tous ses œufs dans un panier bien fragile et bien instable. La situation actuelle nous le montre mieux que n’importe quel autre exemple : avec la pandémie, le tourisme international est devenu inexistant et le tourisme domestique reste une très mauvaise idée, sauf si on a envie de répandre le virus dans les zones rurales jusqu’ici plus ou moins épargnées (malheureusement certains semblent avoir cette envie).

Bref, on ne peut tout simplement pas baser une politique de revitalisation d’une région seulement sur le tourisme. En tout cas, pas sur les moyen et long termes.

Malheureusement, c’est parfois le choix que certaines îles et régions rurales ont fait, mais très tôt, Ogijima et sa population ont choisi une approche différente. Bien entendu, il y a une composante touristique, mais elle est mineure et l’économie de l’île ne compte que peu, voire pas du tout, sur cette composante dans sa politique de revitalisation.

À la place, il a été décidé dès le début de baser la revitalisation de l’île sur l’idée de développer une nouvelle communauté qui serait avant toute chose respectueuse et intégrée à la communauté déjà existante. Les nouveaux arrivants sont accueillis à bras ouverts à la condition qu’ils fassent partie intégrante de cette communauté dès le début, qu’ils viennent vivre sur l’île dans le but d’en faire leur lieu de vie, pas seulement un lieu dont ils profiteraient.

Dans la pratique, ça a plutôt bien marché, et ce fut la démarche de tous les nouveaux arrivants, je pense. Depuis, le nouveau paysage économique de l’île est basé sur trois axes : les activités traditionnelles des anciens habitants (essentiellement pêche et agriculture, essentiellement dans une économie de subsistance), des activités hi-tech (ce sont désormais pas moins de trois familles qui travaillent dans le domaine des technologies de l’information), et des activités que je décrirais comme « traditionnelles, mais à l’heure du 21e siècle » mélangeant agriculture et services d’une manière durable, naturelle et respectueuse de l’île (à la fois sa culture et sa nature).

Damonte & Co et Elephant Sun représentent ceci à la perfection. Presque tous leurs produits et ingrédients proviennent de l’île, et issus de permacultures et autres agricultures naturelles et biologiques. Les deux entreprises sont familiales, et s’ils ont ouvert des cafés (qui accueillent à la fois touristes et locaux), une partie non négligeable de leurs chiffres d’affaire provient de la vente en ligne des produits de leur fabrication.

Et si les membres des deux familles (arrivées toutes deux sur Ogijima presque en même temps, il y a tout juste quatre ans) ont un large éventail de connaissances et talents, ni les uns, ni les autres ne sont experts en hautes technologies. Comment ont-ils fait pour avoir des sites internet si pros ? Ça c’est la magie d’Ogijima et sa dimension « nouvelle communauté intégrée à celle qui existe depuis toujours. »

Une grande partie de la vie traditionnelle sur Ogijima est basée sur l’entraide. Chacun vit chez soi bien sûr, mais chacun vit aussi avec les autres et aide les autres quand il le peut. Les pêcheurs donnent des poissons aux agriculteurs qui donnent des légumes aux pêcheurs et tout le monde peut manger à peu de frais. Les charpentiers réparent les maisons des deux autres et en plus d’être nourris, tout le monde à aussi un toit. Je schématise un peu, mais vous comprenez l’idée.

Les nouveaux résidents font exactement de même. Les web designers font les sites et magasins en ligne des boulangers et jardiniers qui leur donnent de leurs produits. Et ainsi de suite.

 

Pour résumer, nous avons donc ainsi une économie locale, durable, pas seulement basée sur l’argent, où le tourisme tient une part négligeable, et surtout qui est respectueuse des humains et de la nature. Dans nos deux exemples, les technologies contemporaines permettent aux deux entreprises de fonctionner à peu près normalement, même en ces temps de pandémie. N’importe qui (au moins au Japon) a accès à leurs produits sans avoir à se rendre sur l’île.

Et ça, chers lecteurs, c’est de la revitalisation qui fonctionne et un exemple à suivre.

Je suis même tenté d’aller plus loin et de dire qu’en ces temps troubles où rien n’est certain et tout est instable, c’est un exemple à suivre, pas seulement pour revitaliser des zones rurales, mais aussi pour restructurer des pans entier de nos civilisations.

 

Merci pour votre attention.

Si vous avez lu jusqu’ici, peut-être voulez-vous me remercier pour mon travail
en cliquant sur le logo ci-dessous :

2 commentaires sur “Quand on ne peut pas aller sur Ogijima…”

    1. De rien.

      Oui, à notre époque, on a plus besoin de tous s’entasser dans des grandes villes comme avant, ni au Japon, ni ailleurs.

      Et en plus ça aiderait à lutter contre bien des problèmes de qualité de vie, de pollution, de climat et j’en passe.

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