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Ça fait plusieurs jours que j’hésite à écrire cet article (non ce n’est pas pour cela que j’écris peu en ce moment : il faut blâmer l’été et la mise en route d’un nouveau projet dont je vous toucherai certainement deux mots bientôt, même s’il touche surtout les anglophones).

Bon allez, je me lance, même si j’ai un peu peur que les lignes qui viennent ne parleront qu’à moi. Il y sera surtout question de ressentis, d’émotions subtiles, qui me seront difficiles de retranscrire ici de manière satisfaisante, et puis même si j’y arrivais, cela ne vous parlerait pas vraiment je pense.

De quoi s’agit-il ?

De mon retour sur Ogijima en juin dernier.

Pour resituer un peu, il avait fait un temps exécrable la veille, ça avait empiré pendant la nuit, et le matin était proprement dégueulasse. Le problème était que nous n’avions pas le choix, c’était le seul jour où nous pouvions nous rendre sur Ogijima. En juin, les œuvres et sites d’Art Setouchi n’étaient ouverts que le week-end – nous étions samedi – et nous avions un rendez-vous le lendemain en milieu de journée ce qui nous empêchait de quitter Takamatsu ce jour-là.

Donc tant pis, nous nous étions résolu à passer une journée de merde sur Ogijima (je vous prierai de bien vouloir excuser mon langage). Sauf que je suis maintenant persuadé qu’il est impossible de passer une journée de merde sur Ogijima. Il y a des lieux comme ça qui sont magiques pour qui sait les chercher (ça y est, je me lance dans la poésie de pacotille).

Quand nous sommes montés dans Meon 2, il pleuvait encore. Elle cessa à notre arrivée dans le port d’Ogichō. Le ciel resta menaçant un temps, mais comme vous allez le voir dans les photos qui viennent (publiées ici plus ou moins dans l’ordre chronologique), il devint de plus en plus clément jusqu’à devenir superbe en milieu d’après-midi.

J’y vois un signe.

Voici donc en images un petit résumé de cette journée.

Tout d’abord, à peine sortis du ferry, alors que nous nous familiarisions de nouveau avec les rues du village, nous découvrîmes une nouvelle forme de vie sur Ogijima (enfin… nouvelle pour nous) :

Grenouille d'Ogijima

Des grenouilles minuscules (à peine un centimètre) qui sautillaient un peu partout dans les rues du village après la pluie.

C’est tout con, mais ces petites grenouilles dont je ne soupçonnais pas l’existence et qui nous amusâmes un moment me semblent la métaphore parfaite pour tous ces mondes, ces univers, ces choses qui sont là, toujours à portée de main mais invisibles jusqu’au moment où les circonstances sont les bonnes, jusqu’au moment où l’on prend la peine de s’arrêter et de regarder. Un peu aussi comme Ogijima et le Japon en fait.

C’est bien beau les réflexions pseudo-philosophiques, mais il y a bien plus important au Japon, par exemple, les nourritures bien terrestres.

Cette fois-ci et pour la première fois, nous n’avions pas emmené de sandwiches (chose que nous avions toujours fait lors de nos précédents passages sur l’île pour une raison ou pour une autre) et ce fut donc direction Madoka, l’unique restaurant permanent d’Ogijima (qui fait aussi Minshuku si je ne m’abuse).
Je ne savais trop qu’en penser avant d’y aller. À quoi pouvait bien ressembler un restaurant/minshuku sur une île de 200 habitants ne recevant que peu ou pas de visiteurs ?

Déjà, à l’intérieur, je fus surpris par son état, très bon, presque neuf. Je m’attendais plutôt à un truc limite vétuste. Mais je me souvins que Madoka avait été endommagé lors de l’incendie d’il y a environ un an qui avait détruit Oiwa Island, endommagé la plupart des Karakurin (qui étaient situés dans Madoka) et tué un résident de l’île. Il aura donc certainement été remis à neuf depuis septembre dernier (et c’est vrai que vu du port, c’est clairement le bâtiment le plus neuf du village aujourd’hui).

Nous déjeunâmes sur la terrasse avec vue sur la Mer Intérieure de Seto. Bien entendu il n’y avait pas foule dedans, même si plusieurs personnes sont venues (des résidents venus prendre le thé, je pense).

Le repas :

Poulpe à Madoka
Mon déjeuner

Alors de gauche à droite et de haut en bas, si je ne me trompe pas :
Salade d’algues, Konnyaku et Renkon (racine de lotus), Tenpura de poulpe.
Okra, Oshinko saumuré (une sorte de radis), soupe de miso.
Orange, riz et sauce pour le tempura.

Déjeuner à Madoka
Le déjeuner de 康代

Pour 康代 ce fut la même chose, avec du Sawara au miso à la place du poulpe (le Sawara est un poisson très commun au Japon, surtout dans la Mer Intérieure de Seto, je doute qu’il ait un nom en français).

Dois-je préciser que la plupart des légumes avaient poussé sur Ogijima, que le poulpe fut attrapé à deux pas du restaurant, et le Sawara pêché par le patron le matin même ?

Le résultat ?

À votre avis ?

Tout bonnement délicieux ! Il y a pas à dire, les produits frais et locaux, il y a pas mieux pour bien manger, je suis toujours surpris que si peu de gens semblent le réaliser.
Oh, dois-je mentionner que le Tenpura de poulpe fut le meilleur de ma vie ? J’ose croire que cela vient du fait qu’il fut préparé à la commande et que le poulpe pas trop cuit avait juste la consistance et le goût idéal.

Après manger, nous sommes allés faire un petit saut au phare. La route était encore mouillée et nous fûmes loin d’être les seuls sur celle-ci. Par endroit elle était littéralement recouverte de Funamushi, ces espèces de crustacés japonais, à mi-chemin entre le cafard et la crevette, omniprésents sur les côtes de Seto. Vision assez impressionnante et à déconseiller aux personnes ayant peur des insectes et autres créatures du même genre. À noter toutefois qu’ils fuyaient à notre arrivée ce qui donnait parfois une drôle de vision d’une population ouvrant le passage à deux géants que nous étions.

Pas de photo des créatures, j’ai bien tenté, mais aucune ne fut convaincante.

Campagne d'Ogijima
Je n’avais jamais vu ce coin de l’île aussi vert (merci la saison de pluies)

 

Cordages à Ogijima

 

Wallalley - Ogijima

Pour je ne sais quelle raison, ce fut assez émouvant de retrouver les oeuvres du Festival. Comme vous le savez, celui-ci fut d’une grande importance pour moi, et de savoir que certaines d’entre elles perdurent, avec tout ce que cela représente me touche grandement. Ici Wallalley.

 

Maison de Urushi

Maison de Urushi était malheureusement fermée pour rénovations.
L’une des personnes présentes fut d’ailleurs surprise de voir un Gaijin jeter un coup d’oeil curieux à l’intérieur.
(pour ceux que ça intéresse, Maison de Urushi est assez active sur Twitter ces temps-ci)

Je n’ai malheureusement pas pris de nouvelles photos d’Organ dont il reste certains éléments, mais je vous assure que nous avons bien pris soin de jouer avec les pistons. Une bonne surprise, alors que Rainy Lane a été démontée, certaines des tuiles aux si beaux messages sont restées en place, j’ose croire qu’elles y resteront pour un moment. Sea Vine est toujours là, et nous l’avons eue pour nous seuls (ce qui fut une expérience totalement différente de la foule d’octobre, à tel point qu’elle aura droit à son propre post de nouveau). Takeshi Kawashima & Dream Friends se portent bien, mais pour je ne sais quelle raison (manque de temps), nous n’y sommes pas retournés.

Derrière le temple de Toyotama-hime, les petits vieux et les petites vieilles étaient au rendez-vous. Ils discutèrent un peu avec nous, toujours aussi sympathiques et amusants (et il faut vraiment que j’apprenne le japonais pour pouvoir directement communiquer avec eux), deux vieilles femmes me draguèrent d’ailleurs un peu en rigolant, et je fis ma petite impression quand ils apprirent que le Gaijin qu’ils avaient devant les yeux se rendait sur leur île pour la quatrième fois.

Puis nous retournèrent à Onba Factory.

 

Onba Factory
Un détail a changé depuis la dernière fois. Saurez vous trouver lequel ? 😉

 

Nous pensions y rester quelques minutes au plus, mais M. Yoshifumi Oshima décida de laisser tomber l’Onba qu’il préparait ce jour-là pour venir discuter (nous sommes restés en contact depuis octobre). Sa charmante épouse, dont nous faisions la connaissance ce jour-là, se joignit bientôt à nous, non sans nous avoir auparavant préparé de délicieuses boissons très rafraîchissantes et dont j’oublie la composition. Puis plus timidement, le membre de Koebi-Tai présent ce jour-là fit de même.

Bref, nous passâmes les deux heures qu’il nous restait sur Ogijima avant le dernier ferry pour Takamatsu en leur compagnie à discuter de tout et de rien comme le feraient de bons amis (alors que nous nous connaissons finalement si peu) et il me semble évident que cette discussion aurait duré bien plus longtemps s’il n’était pas bientôt temps de dire au revoir à cette île formidable.

(si vous lisez le japonais, n’hésitez pas à jeter un coup d’oeil au blog de Onba Factory et à celui de M. Oshima, les seuls blogs au monde à être écrits depuis Ogijima – c’est pas rien. 😉 )

Ogicho

J’aime bien cette photo. Elle regroupe les « trois Ogijima. » Tout d’abord, l’Ogijima traditionnelle, originale. ensuite, celle d’Art Setouchi (regardez à droite du premier Torii, il y a un morceau de Wallalley) et puis l’Ogijima fictive, celle qui m’a fait découvrir la vraie, avec la « grange de Mimura » comme je l’appellerai pour toujours je pense maintenant.

 

Ogijima's SoulOgijima’s Soul, désormais le nouveau bâtiment emblématique de l’île.

 

 

Quitter Ogijima

En quittant l’île, alors que le ferry passait non loin de sa pointe sud, je découvrais alors une autre des « traditions » (le mot est fort, je le reconnais) d’Ogijima :

 

Pêcheur sur Ogijima

 

Pêcheur sur Ogijima

Vu leurs emplacements, j’en déduis qu’ils avaient été déposés là en bateau, qui reviendrait les chercher plus tard (sauf s’ils n’avaient rien attrapé ?) J’imaginais déjà le bateau « semant » ainsi les pêcheurs aux quatre coins de l’île, comme une espèce de minibus maritime.

 

Bye Bye Ogijima

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui.

Bye bye Ogijima, à très bientôt j’espère.

8 commentaires sur “Ogijima en juin”

  1. Super ce petit retour sur ta Terre Promise! Et quelle amélioration du temps, ça ça réchauffe toujours le coeur!

    Retour sur le Sawara que j’ai dégusté pour la première fois hier soir, tu parles d’une coïncidence! Il n’a effectivement pas de nom français, mais son nom scientifique est Scomberomorus niphonius (famille des Scombridae, comme le maquereau par exemple) voilà pour la précision!

    1. Merci pour la précision. 🙂

      Je suis surpris que tu en as mangé pour la première fois. Il n’est pas commun à Osaka ?

      J’en mange relativement souvent quand je suis à Takamatsu (il faut dire que ma belle-mère le prépare très bien, et elle a son Itadakisan attitrée qui lui en fournit du bon), mais bon c’est un des multiples avantages des petites villes, la nourriture passe rarement par la case « grossiste, transporteur, distributeur, etc », c’est plus « nature -> pêcheur/agriculteur -> assiette » 🙂

  2. Point de réticences à avoir, il est sympa ton récit. Juste une question : c’est quoi la superficie d’Ogijima ? On peut en faire le tour à pied ?

    1. Ogijima a une superficie de 1.37 km2 !

      (ah oui tiens, j’ai jamais fait cet article sur les données « techniques » géographiques et démographiques d’Ogijima)

      En théorie, on peut en faire le tour à pied. En pratique, la route n’en fait pas le tour complet, et la partie non goudronnée est un chemin pas toujours très praticable. D’ailleurs maintenant que j’y pense, je n’en ai jamais fait le tour, la fois où j’ai essayé, le chemin en question n’était justement pas praticable sans machette 😉

      1. Je pose la question car c’est le genre de petit défi que j’aimerais bien faire. Jusqu’à présent, je ne me suis jamais vraiment éreinté à faire des promenades très « roots » genre monter le mont Fuji ou grimper en haut de la petite montagne de Miyajima (j’étais parti pour le faire mais une chaleur accablante a eu vite raison de ma bonne volonté). Après, vaut mieux être seul pour ce genre de chose…

        1. Si tu veux des plans promenades roots, j’en ai plein dans les îles de Kagawa, y compris les chemins dans la « jungle » d’Ogijima.
          Ou alors ensuite, il y a carrément le pèlerinage de Shikoku.
          Mais effectivement, c’est pas des trucs qui se font forcément en famille.

          1. Ouais, c’est un truc que j’aimerais vraiment faire un jour.
            J’ai un pote (Todd Wassel) qui l’a fait deux fois avant ses trente ans (mais il est hardcore comme ça).
            Mais c’est vrai que de nos jours, les Japonais ont rarement l’opportunité de le faire avant la retraite, d’où le bus ou la voiture.

            Perso, je cherche comment le faire avant la retraite, mais au jour d’aujourd’hui, j’ai l’impression que la seule fenêtre possible avant celle-ci sera en janvier-février 2012… Bref, les deux mois où c’est un peu suicidaire de le faire (dormir plus ou moins dehors – ça peut arriver – par des températures négatives… mouaisbof…)

          2. Le pélerinage de Shikoku, j’avais vu un reportage sur Arte là-dessus. Ça c’est du challenge. Mais je me souviens que les pélerins japonais du docu allait de temple en temple en bus. P’tits joueurs va !

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